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CONAKRY , 25 juil (IPS) - Entre le secteur minier qui pourrait être un moteur de croissance pour la Guinée et le secteur agricole dont les résultats du financement sont en deçà des espérances, les avis des spécialistes sont partagés sur la bonne orientation économique de ce pays d'Afrique de l'ouest.

"Après 50 ans d'une politique sans résultats, la Guinée doit changer d'orientation. L'on ne peut pas continuer depuis 50 ans (1958-2008) à considérer l'agriculture comme une priorité", estime Alpha Amadou Bano Barry, chercheur en sociologie et vice-recteur chargé des études à l'Université de Sonfonia, à Conakry, la capitale guinéenne.

Des donations au profit de l'agriculture n'ont pas manqué depuis l'indépendance du pays en 1958. Le secteur agricole est inscrit depuis 50 ans comme la première priorité et la base du développement du pays. L'Etat guinéen y a consenti d'importants moyens et élaboré plusieurs plans de politique agricole.

Pourtant, le volume des importations de riz est passé de 189.467 tonnes annuellement en 1993 à 308.769 tonnes en 2007, selon le Projet d'appui à la dynamisation des filières vivrières. Ces importations de riz, selon ce service du ministère de l'Agriculture, représentent en 2007 une valeur de 141,6 millions de dollars, soit une augmentation de 12 pour cent par rapport à 2006.

Par ailleurs, la Guinée a un réseau hydrographique de 6.500 kilomètres, un plateau continental de 43.000 kilomètres carrés. Le potentiel d'irrigation est évalué à 364.000 hectares dont 30.200 hectares seulement sont aménagés, faute d'investissement. Le potentiel en terres arables est évalué à 6,2 millions d'hectares dont 25 pour cent sont cultivés annuellement, selon le Rapport d'activités 2007 du ministère de l'Agriculture.

Mais, l'allocation au budget du développement du pays -- qui avait atteint 22 pour cent en 2002 -- est tombée de 14 pour cent en 2003 à 9,5 pour cent en 2005 en raison des difficultés financières de l'Etat, selon le deuxième Document de stratégie de réduction de la pauvreté.

"Ces dernières années, la part du budget national dans le développement rural, y compris la pêche, est en moyenne de 4 pour cent par rapport aux prévisions budgétaires", selon le rapport 2007 du ministère de l'Agriculture.

Le riz présente la production la plus élevée avec 1.140.809 tonnes de paddy (36,1 pour cent de la production nationale), suivi du manioc avec 845.488 tonnes (26,7 pour cent), du maïs pour 329.025 tonnes (10,4 pour cent), de l'arachide pour 199.661 tonnes (6,3 pour cent), du fonio pour 179.154 tonnes (5,7 pour cent), selon des données de la campagne agricole 2000-2001 publiées en 2004 par le Service national des statistiques agricoles.

"Pour le moment, on a une production nationale qui n'arrive pas à couvrir l'ensemble des besoins de la population. C'est pourquoi on a toujours eu recours aux importations...", explique à IPS, Sékouba Bayo, chef de la section projets et programmes au ministère de l'Agriculture.

"Si le premier atout de la Guinée -- la terre -- n'a pas donné de résultats escomptés, inversons les priorités et faisons du sous-sol le moteur de la croissance économique", propose Barry.

"Avec le secteur des mines, on n'a pas besoin de toujours tendre la main. Ce secteur qui est à la phase de production simple des matières premières -- en évolution vers la transformation -- peut apporter plus qu'il n'a apporté jusqu'ici", estime Abdoulaye Soumah, ingénieur géologue et responsable des passations de marchés au bureau guinéen de l'Initiative de transparence dans les industries extractives (ITIE), à Conakry.

L'industrie minière compte trois sociétés exploitant la bauxite dont deux qui l'exportaient directement à l'état brut, et une raffinerie qui produit de l'alumine sur place avant d'être exportée. La Guinée dispose également de l'or et de diamant qui sont en exploitation. La part du secteur des mines dans le produit intérieur brut (PIB) en Guinée est estimée à 14 pour cent et l'Etat en a tiré plus de 210 millions de dollars en 2005, selon le rapport de l'ITIE.

"Il y a plus de 29 milliards de tonnes de réserve de bauxite prouvées et 40 milliards de tonnes probables; cinq milliards de tonnes de fer de haute qualité; près de 500 tonnes de réserves en or et 400 millions de carats de diamant", affirme Soumah.

Selon le Rapport annuel 2006 d'activités du ministère des Mines et de la Géologie, la bauxite totale extraite en Guinée est estimée à 16.539 tonnes; 15.065 kilogrammes d'or et 407.000 carats de diamant.

Selon Soumah, le secteur minier offre plus de 10.000 emplois formels, et il est le deuxième employeur après l'Etat.

Pour sa part, Boubacar Bokoum, un expert senior des mines à la Banque mondiale, réagit autrement. "Je ne vois pas d'exclusion entre les secteurs de l'agriculture et des mines, il doit y avoir plutôt une complémentarité. Nous avons d'une part une industrie dont les ressources finiront un jour, les mines, et l'agriculture dont les ressources sont pérennes".

"La flambée des prix des aliments doit être une opportunité pour la Guinée, au regard de son potentiel important sur le plan agricole. Les mines, avec une gestion améliorée, peuvent générer d'importants capitaux qui peuvent permettre à l'Etat d'investir dans d'autres secteurs", explique Bokoum, ajoutant : "Ces deux secteurs doivent aller ensemble car on peut exploiter les mines sans que cela conduise à la croissance souhaitée". "Les mines devraient financer l'agriculture. Notre agriculture est soumise au budget national de développement qui tombe de manière aléatoire", soutient Sénkoun Wagué, porte-parole du ministère de l'Agriculture. "Les discussions sont en vue avec les sociétés minières". , indique Wagué à IPS.

Le ministre de l'Agriculture, Mahmoud Camara, propose que chacune de ces sociétés paie une somme sous forme de taxes, pour sa contribution à la promotion de l'agriculture. Mais, cette approche a besoin d'être élaborée dans une forme juridique et proposée à l'Assemblée nationale"

"L'Etat peut créer une société de patrimoine à laquelle l'ensemble des gisements du sous-sol doit appartenir, laquelle transformera la quantité de réserve de bauxite, par exemple, en actions et se faire coter au niveau des places boursières pour lever des fonds", suggère Barry. L'objectif, dit-il, étant la transformation sur place de l'alumine en aluminium. (FIN/2008)

Amadou Touré, IPS-Conakry
Pour www.nlsguinee.com
Samedi, 26 juillet 2008

Tag(s) : #Economie et Social
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