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Politique

La visité du Général Konaté a Paris vient de prendre fin. Le Tigre après une semaine au pays de Molière vient de regagner son antre. Bien des observateurs pensent que cette visite a été un succès immense, pour l’homme timide aux commandes en Guinée. Il faut reconnaitre que les interlocuteurs de Konaté, à l’hexagone ont été plus que dithyrambiques. Ils n’ont pas tari d’éloges pour leur hôte et ont rivalisé sur le vocabulaire afin de trouver le terme qui conviendrait au mieux pour qualifier un homme, vu comme héros dans son pays. Dans ce jeux, force est de reconnaître, qu’il n’y a pas eu de vainqueur, tant les éloges sont appuyés.

Cette course aux éloges est due à la bonne volonté du Tigre d’engager la Guinée et de façon irréversible vers la voie démocratique. Sortir le pays de l’obscurantisme de la forêt vers la savane éclairée de la démocratie est devenu une obsession pour le Fauve. Derrière le caractère austère de l’homme se camouffle une réelle volonté et une certaine stratégie. Le personnage a un parfum de mystère et est peu diseur, contrairement à son ami Dadis, mais avec peu de mots il arrive à rassurer ses interlocuteurs. Justement à ses interlocuteurs français il a dit « je ferai tout pour que les élections aient lieu à la date prévue » il le faut « car je ne veux pas rester longtemps à une place où je ne me sens pas bien ». A l’entendre c’est comme s’il y a à la fois une soif de démocratie dans son âme pour son pays et un intérêt personnel à quitter le pouvoir « je me sens pas bien » dit-il.

Cette attitude est plutôt rassurante et elle de nature à convaincre les plus sceptiques. Cependant ce qui inquiète Paris c’est l’implication réelle et personnelle de Konaté dans la gestion de la transition. C’est bien de tenir des beaux discours, d’avoir mis en place tous les organes de la transition (gouvernement, CNT), d’avoir fixé une date pour le premier tour, mais ces efforts seront vains, si derrière il n’y a pas une présence et en l’occurrence celle du premier responsable cette transition. En effet, ce que craint Paris c’est le fait que Konaté veut laisser tout dans les mains des acteurs de la transition, comme il les appelle « j’ai fait ce qu’il fallait faire »  « les responsabilités sont entre les mains des acteurs de la transition ». Bien des observateurs doutent justement de la bonne foi de ces acteurs de la transition, notamment celle premier ministre Jean-Marie Doré. On se rappelle que l’homme a toujours entretenu le flou sur sa candidature et beaucoup doutent de sa neutralité au cas où il se déciderait à ne pas être candidat.

Paris craint aussi l’attitude des syndicats, qui semble t-il, sont décidés d’acquérir par les urnes ce qu’ils n’ont pas eu par la rue, le pouvoir. Ils ont une de leurs à la tête du CNT, qui aurait un faible pour les candidatures indépendantes. Par ce biais ils pourraient faire une OPA sur le pouvoir au pays de Dina Salifou et de Kissi Kaba Keïta. Ceci inquiète d’autant plus Paris ces syndicats n’ont pas de légitimité politique et donc ne peuvent pas stabiliser le pays. Ceux qui scrutent la Guinée du côté de l’Elisée estiment qu’il faut un régime issu des forces politiques pour la stabilité du pays. Problèmes : les syndicats sont puissants et populaires au bord de la cocotterie, une candidature d’un de leurs peut bien séduire, d’autant plus qu’aux yeux des Guinéens les ils sont les sauveurs de la nation.  Alors, qui de Serah ou de Ibrahima Fofana? C’est la question qui se pose, mais un article de nos confrères de jeune Afrique sur une probable candidature de Fofana, vient d’apporter un début de réponse à cette question. Serah hors jeu, selon cet article, Ibrahima Fofana pourrait s’essayer à l’épreuve des urnes. Il aurait certainement la bénédiction de cette dernière, dont il est l’un des plus proches, pour ne pas dire son homme de main.

L’autre inquiétude des autorités françaises se porte sur l’armée. Des éléments du CNDD qui ne veulent pas voir un civil à la tête du pays font tout pour saboter la transition. Récemment Konaté a menacé l’armée des sévères rétorsions en cas de tentative de déstabilisation. Les pressions de l’armée sont intenses sur le Tigre. Il semblerait que la grande muette voudrait monnayer son adhésion au processus à une immunité, qui protégerait certains d’entre eux une fois que l’armée partirait du pouvoir. Plusieurs éléments sont impliqués dans des massacres ignobles en janvier-février 2007 et en septembre 2009. La cours pénale internationale souhaite instruire le dossier sur le massacre du 28 septembre et les inquiétudes sont grandes au sein de l’armée. Pour le bon déroulement de la transition la CPI a tassé sa position. Mais les militaires ne sont pas dupes, ils ont compris la manœuvre. Ils savent qu’une fois passé les élections le nouveau régime n’aura pas de choix, c’est soit il demande à la justice d’instruire le dossier, soit la CPI s’en empare. La pression populaire sur les épaules du nouveau président sera telle qu’il n’aura de choix que l’expression de la justice. Par ailleurs l’armée est consciente qu’une prise de pouvoir ne sera pas de son intérêt, l’exemple Dadis a marqué les esprits. Ainsi la seule alternative est d’obtenir de Konaté cette immunité avant son départ.

Paris s’inquiète de la situation et des pressions qui pèsent sur le Tigre. La France voudrait que Konaté s’implique personnellement sur la gestion du processus et veut qu’il résiste à toutes les pressions de l’armée. Il se dit d’ailleurs que la France est toujours allergique à un éventuel retour de Dadis au pouvoir. C’est pour toutes ses raisons que Konaté a été « convoqué » à Paris pour s’expliquer. La France, terre des droits de l’homme, ne voulant pas adresser une invitation officielle à un régime militaire, a fait passer cette visite comme privée. Mais elle n’en rien de moins officielle quand on sait que Konaté a été reçue par les plus hautes autorités de l’hexagone, du président Sarkozy au ministre des affaires étrangère Bernard Kouchner en passant par le secrétaire général de l’Elisée Claude Guéant et le secrétaire d’état à la coopération Alain Joyandet. Ce protocole n’a rien de moins catholique que la visite d’un tout autre membre de la Françafrique au pays de Gaules. Mais dans l’opinion publique ça passe mieux ainsi, car ici on est attentif à l’opinion publique et on scrute attentivement les sondages.

Derrière les façades dithyrambiques des éloges se cachent une forte pression exercée par la France sur Konaté pour qu’il tienne bon. En contre partie la France a promu au général de l’aide sur plusieurs plans. D’abord sur la coopération militaire, la reforme de l’armée et sa protection personnelle. Ensuite un soutien financier pour faire face à l’urgence (payer les fonctionnaires, l’armée) et améliorer le quotidien pour éviter l’effervescence populaire.

On peut se demander pourquoi la France met tant de piment sur le cours de la transition en Guinée. Voudrait-elle reprendre la main après tant d’années ? L’avenir nous édifiera

ECRG_Allemagne

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